LE VIAGER, FONCTIONNEMENT ET SPECIFICITES A TRAVERS LE FILM DE PIERRE TCHERNIA

LE VIAGER, FONCTIONNEMENT ET SPECIFICITES A TRAVERS LE FILM DE PIERRE TCHERNIA

L'animateur de télévision et réalisateur Pierre Tchernia, nous a quitté le 8 octobre dernier. Il avait choisi le sujet du viager pour son premier long-métrage, sorti en 1972, qu’il décrivait comme « l’histoire drôle d’une mauvaise affaire »… Peut-être l‘avez-vous récemment vu lors d’une rediffusion.

Le film raconte l’histoire de Louis Martinet, 59 ans qui vend en viager, en 1930, sa petite maison de St-Tropez au frère de son médecin qui pense que le propriétaire n’en a que pour 2 années à vivre. Mais, quarante ans plus tard, le vendeur, incarné par Michel Serrault, fête son centenaire ! L'acheteur, Emile Galupeau, son épouse et leur fils ne sont plus de ce monde, après avoir tenté de précipiter sa mort à plusieurs reprises.

Toujours d’actualité, « Le Viager »  met en lumière, de manière humoristique, les aléas de l'achat en viager. L’occasion pour nous de revenir sur le concept du viager et ses spécificités, par ailleurs présentés au début du film comme un jeu d’enfant et introduisant les notions de vendeur/crédirentier, acheteur/débirentier, bouquet, rente, et aléa.

UN REVENU REGULIER POUR LE VENDEUR

- Un complément de retraite

Quand le médecin du sexagénaire le juge « usé » et lui conseille de prendre sa retraite, ce dernier lui répond : « Cela ne va pas faire bien lourd. ».

Dans un contexte où l'espérance de vie s'allonge et où les retraites ne sont pas toujours à la hauteur des besoins, la formule de la vente en viager s’avère un bon moyen pour s’assurer un complément de revenu.

Et si dans le film, le vendeur n'a ni épouse, ni enfant, l'article 1973 du Code civil prévoit néanmoins que la rente puisse être constituée également au profit d'un tiers, le conjoint par exemple.

- Une rente à vie indexée

Le vendeur, incarné par Michel Serrault, peut remercier le notaire qui rédige le contrat de rente viagère et lui conseille d’indexer celle-ci sur le cours de l'aluminium. Aujourd'hui, l'indexation se fait le plus souvent sur la base de l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages afin de préserver le pouvoir d'achat du crédirentier et respecter l’équilibre entre les intérêts du vendeur et de l’acheteur.

- Une imposition modulée

Autre avantage des rentes viagères à titre onéreux : elles ne sont soumises à l'impôt sur le revenu que pour une fraction de leur montant, 70% par exemple pour une personne de plus de 70 ans. Si le héros du film « Le Viager » était l'un de nos contemporains, il aurait eu tout intérêt à attendre d'avoir 60 ans pour vendre car la fraction imposable n'aurait alors été que de 40%, au lieu de 50% à 59 ans.

LES ALEAS POUR L’ACHETEUR

- L’espérance de vie

De nos jours, le contrat de rente viagère entre Louis Martinet et Emile Galupeau, le frère de son médecin, n’aurait pas pu être conclu. En effet, la vente en viager suppose nécessairement un aléa sur le prix final de vente. Celui-ci dépend de l’espérance de vie du crédirentier qui doit être impossible à évaluer au moment de la signature du contrat.

En effet, la vente est frappée de nullité si le vendeur décède, dans les 20 jours de la date du contrat, de la maladie dont il était déjà atteint à la signature (article 1975 du Code civil). Mais c'est aussi le cas lorsque le vendeur meurt au-delà des 20 jours et que l'acheteur sait, le jour de la conclusion de la vente, que le décès du vendeur est imminent. Le médecin traitant est ainsi directement visé dans cet article. Il ne peut ignorer l'état de santé de son patient et donc conclure avec lui un contrat avec une rente viagère ou encore inciter un de ses proches à le faire.

- La transmission de la rente

Comme l’illustre le film, la charge de la rente est transmise aux héritiers, avec une solidarité entre eux. Malheureusement pour les Galupeau, même le fils décède avant Louis Martinet, le vendeur. A noter que si le projet du débirentier est contrarié par la longévité exceptionnelle du crédirentier, la revente en viager est possible.

Le spectateur ne sait pas à quel âge meurt notre héros mais ce n’est pas sans nous faire penser à Jeanne Calment, décédée à 122 ans, soit 33 ans après avoir vendu sa maison à son notaire qui mourut 2 ans avant elle. Ce que les medias omettent de préciser c’est que l’épouse de ce notaire a, quant à elle, bel et bien profité de ce patrimoine !

Sources : Vision Patrimoine ; lemonde.fr ; ina.fr ; notaires.fr ; droitissimo.com ; service-public.fr ; legavox.fr ; macsf.fr